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L’Ademe présente les conditions de réussite pour une rénovation performante

Selon une étude de l’Ademe, les pratiques de rénovations usuelles, les « rénovations partielles » ou « par gestes », ne permettent pas d’atteindre le niveau de performance « BBC rénovation », et peuvent générer des surcoûts, de l’inconfort et des problèmes de santé pour les habitants, ainsi que de nouvelles pathologies pour le bâti. A partir d’études de cas, l’étude démontre à l’inverse la nécessité de réaliser des rénovations globales, en une seule étape, pour atteindre le niveau de performance souhaité, à un coût acceptable, à l’horizon 2050.
Publié le
, mis à jour le
1 mai 2024
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Rénovation complète et surélévation d'une maison à Nantes (Loire-Atlantique). Architectes : Onze04 architectes
(Source : archicontemporaine.org / © Laurent Desmoulins)

Les rénovations actuelles « par gestes » ne permettraient ni d’atteindre le niveau de performance satisfaisant ni de parvenir aux objectifs fixés dans la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) en termes de réduction des consommations du parc bâti d’ici 2050, selon un rapport de l’Ademe publié le 25 janvier 2021[1]. En effet, la tendance actuelle des ménages français montre que 75% des travaux de rénovation en maisons individuelles n’ont pas permis de changer de classe de DPE (Source : Enquête TREMI pour la période 2016-2017).

Partant de ce constat, l’Ademe a étudié les conditions de réussites nécessaires à la réalisation de rénovations performantes du parc français de maisons individuelles (datant d’avant 1982) pour atteindre, par étapes, le niveau de performance « BBC rénovation » à l’horizon 2050, et accélérer ainsi le rythme des rénovations plus performantes.

Après avoir posé les définitions structurantes de la rénovation performante (partie 1), l’étude démontre notamment par des études de cas et des calculs que le niveau « BBC rénovation » ne peut être atteint, à un coût acceptable, par des parcours de rénovation intégrant 4 étapes de travaux ou plus. La probabilité d’atteindre la performance pourrait même décroître avec l’augmentation du nombre d’étapes (partie 2).

Ensuite, le rapport s’attache à définir les conditions de réussite d’une rénovation performante, en détaillant le nombre d’étapes de travaux maximum ainsi que les risques d’impasses (techniques, financières, psychologiques, etc.) en cas de rénovation « partielle ». Il définit également des préconisations techniques pour l’ensemble des cas pratiques rencontrés sur le terrain, dont le bon traitement vise à aboutir à une rénovation performante (partie 3).

Parmi les autres conditions de réussite, l’étude insiste sur l’intégration des énergies renouvelables, notamment pour le chauffage (bois, PAC), dans les parcours de rénovation globale (1 à 3 étapes de travaux maximum), tout en rappelant les limites d’une approche strictement énergétique (partie 4).  Pour conclure, les auteurs invitent à repenser les dispositifs d’accompagnement et de financement de la rénovation énergétique pour favoriser une approche globale performante (partie 5).

Les principes clés d’une rénovation performante

Pour l’Ademe, une rénovation peut être considérée « performante » lorsque le bâtiment atteint au minimum le niveau de consommation « BBC rénovation » ou équivalent (80 kWh/m² par an en énergie primaire), qu’il préserve également la qualité de l’air intérieur et le bâti de toute pathologie liée aux travaux, tout en assurant le confort été comme hiver.

Plus exactement, un parcours de rénovation performante comprend nécessairement un « ensemble de six postes de travaux », décrits dans le rapport : isolation des murs, de la toiture, du plancher bas, remplacement des menuiseries extérieures, systèmes de ventilation et de chauffage/Eau Chaude Sanitaire.  Le traitement des interfaces (jonctions physiques entre ces postes de travaux assurant l’étanchéité à l’air et la continuité de l’isolation) et des interactions entre ces postes (bon dimensionnement des systèmes notamment) doivent également être assurés, souligne l’Ademe. Respecter les bonnes pratiques en matière de migration d’humidité et de vapeur d’eau permet en effet d’éviter des phénomènes de condensation à l’origine de moisissures et de pathologies pour le bâti, avec un impact potentiel sur la qualité de l’air intérieur et la santé des occupants.

Ensuite, l’étude montre que l’ordonnancement des travaux est crucial pour le bon fonctionnement des systèmes de production de chauffage (énergies renouvelables de préférence). En effet, la première étape devrait concerner de préférence les travaux d’isolation et de ventilation, pour éviter des pathologies et « un surdimensionnement des systèmes de chauffage grevant la performance des systèmes de production de chauffage ».

Les risques d’une rénovation « partielle » 

La rénovation partielle, qui représente l’essentiel des pratiques actuelles de travaux (approche par « gestes de travaux » ou par « petits bouquets de 2 ou 3 travaux ») ne permettrait pas d’atteindre la performance à l’horizon 2050. Cette approche de la rénovation, non globale et ne traitant que quelques postes de travaux, peut même conduire à « des impasses techniques incompatibles avec une rénovation performante », pointe l’Ademe.

A partir d’exemples concrets et très fréquemment observés, l’étude met en évidence les enjeux et difficultés qui apparaissent lorsque deux postes de travaux ne sont pas traités simultanément. Par exemple : l’isolation des combles ou le remplacement de fenêtres et le report de l’isolation des murs.  Réaliser ces postes de travaux en deux étapes distinctes conduit à de nombreuses impasses de rénovation, décrites dans le rapport : les ménages ne seraient « logiquement pas prêts à détruire des travaux récemment effectués (reprise des tableaux de fenêtres, remplacement des nouveaux volets roulants…) pour assurer une continuité de l’isolation nécessaire à la performance ». En outre, un tel traitement de l’interface menuiserie-mur « génère des ponts thermiques en périphérie des menuiseries et favorise le développement de moisissures ».

Si l’Ademe identifie des pistes de solutions techniquement possibles à mettre en œuvre afin de reprendre les travaux, celles-ci peuvent entraîner des surcoûts et des freins psychologiques, avec le risque de ne pas mener la rénovation à son terme. Des travaux qui peuvent, par ailleurs, conduire à créer voire renforcer des désordres sur le bâti, avec impact possible sur le confort voire la santé des habitants.

Rénovation « par gestes » VS rénovation globale : des écarts de performance significatifs

Au-delà des préconisations techniques précitées, l’Ademe restitue les résultats d’une analyse menée sur dix typologies de maisons individuelles (5 pavillons et 5 maisons mitoyennes) et cinq parcours de rénovation différents (entre 1 et 6 étapes) traitant l’ensemble des postes de travaux nécessaires pour réussir une rénovation performante.  

Pour le parc construit avant 1982, l’analyse fait apparaître des écarts significatifs de performance entre les parcours de rénovation. Notamment, l’Ademe relève trois points clés :

  • La rénovation complète et performante permet d’amener le parc au niveau de performance fixé, en termes de consommation (80 kWhEP/m² par an pour le chauffage et l’ECS, soit le niveau BBC rénovation), de confort et de santé pour les habitants, ainsi que de préservation du bâti ;
  • Les rénovations en 2 ou 3 étapes de travaux peuvent également amener le parc au niveau de performance requis, sous conditions strictes (bon traitement des interfaces et interactions, regroupement de 4 à 5 postes de travaux identifiés en amont, etc.) ;
  • Les pratiques actuelles (traitement de 5 des 6 postes de travaux avec une performance alignée sur les seuils des aides financières) ne permettraient pas au parc d’atteindre le niveau de performance à terme. Même constat pour une rénovation « par gestes », prenant en compte l’ensemble des postes de travaux compatibles avec un niveau « BBC rénovation » mais sans traitement des interfaces et interactions. En effet, ces deux types de parcours de rénovation entraîneraient des niveaux de consommation du parc à terme supérieurs aux objectifs fixés, selon l’Ademe : un programme de rénovation augmente de 30% les consommations énergétiques en moyenne sur le parc s’il est mis en œuvre en 4 ou 5 étapes, et jusqu’à 60% en 6 étapes.

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Figure D : Comparaison des consommations de chauffage et d’ECS avant et après rénovation, pour les parcours rénovation en une étape (RCP) et en 6 étapes (pratiques actuelles). (Source : extrait du rapport "La rénovation performante par étapes", page 16)

Lecture : selon la typologie de maison (mitoyenneté, impact des ponts thermiques, etc.) et le programme de travaux envisagé (par exemple ITE ou ITI, chaudière gaz ou bois, etc.), le niveau de performance à terme varie autour de l’objectif de consommation (entre 43 kWhEP/m2 par an et 97 kWhEP/m2 par an pour la rénovation complète performante (RCP) pour un objectif national de 80 kWhEP/m2 par an).

Cette analyse démontre que le niveau « BBC rénovation » peut être atteint, à un coût acceptable et d’ici 2050, en privilégiant une rénovation globale, plus efficace. En outre, elle montre qu’il conviendrait de retenir une stratégie qui concerne le parc de logement dans son ensemble (en moyenne en RCP : 70,7 kWhEP/m2 par an).

Dès lors, l’Ademe prône une rénovation en une seule étape de travaux, une « rénovation complète et performante » soit la rénovation globale.  La rénovation peut être performante également en plusieurs étapes à terme, une fois l’ensemble des étapes de travaux réalisées. L’atteinte de la performance requiert néanmoins « une approche globale de la rénovation » qui consiste en « une analyse architecturale et technique pour définir les bouquets de travaux pertinents », précise l’Ademe. Cette vision globale permet également « d’anticiper la bonne gestion des interfaces et des interactions entre postes de travaux ».

Les conditions de réussite pour une rénovation globale performante 

En conclusion, l’Ademe définit les quatre conditions de réussite d’une rénovation performante à terme, à savoir :

  1. Privilégier les énergies renouvelables (EnR) pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire (poêle à bois, chaudières bois, pompes à chaleur, chauffe-eau solaire). Le système de chauffage choisi doit posséder un bon rendement, y compris à basse puissance puisque les besoins sont fortement réduits dans une rénovation performante.
  2. Veiller à assurer le confort et la santé des habitants en se prémunissant des conséquences d’une mauvaise ventilation, de ponts thermiques et de condensations qui peuvent provoquer le développement de moisissures et de pathologies diverses.
  3. Gagne pour cela à être réalisée en une seule étape et au maximum en deux ou trois grandes étapes cohérentes afin de traiter des interfaces et interactions entre postes de travaux.
  4. Exige d’être coordonnée par un pilote (maître d’œuvre ou architecte, groupement d’entreprise, contractant général).

En outre, l’Ademe identifie quelques évolutions souhaitables des dispositifs d’accompagnement et de financement de la rénovation énergétique, comme autres conditions de réussite à mettre en place. Selon les conclusions du rapport, il conviendrait en particulier de :

  • Ecarter les rénovations partielles ;
  • Promouvoir et faciliter le financement et la réalisation de rénovations performantes en une étape ;
  • Accompagner des rénovations performantes par étapes (jusqu’à 3 maximum), si la RCP ne peut être mise en œuvre pour des contraintes techniques, psychologiques, sociologiques et/ou architecturales ;
  • Faire évoluer les systèmes de production de chauffage basés sur les EnR.

Pour accompagner ces nouvelles pratiques et orientations, l’Ademe préconise notamment de :

  • Communiquer plus largement sur la notion de performance globale (consommation BBC, santé, confort, et préservation du bâti) pour une rénovation en une ou trois étapes maximum ;
  • Densifier le dispositif d’information, conseil et accompagnement des ménages pour accélérer la rénovation performante et y intégrer l’accompagnement technique nécessaire en amont, pendant et après le chantier (dispositif Faire) ;
  • Soutenir la montée en compétence et l’accompagnement des professionnels dans leurs changements de pratiques, afin d’intégrer l’ensemble des enjeux, complexes, de la rénovation performante.

Pour aller plus loin :

 

[1] Rapport de l’ADEME, Dorémi, Enertech : « La rénovation performante par étapes - Étude des conditions nécessaires pour atteindre la performance BBC rénovation ou équivalent à terme en logement individuel » (2020).

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