National
Politique - Institutions

Le CNOA alerte la ministre de la Culture sur la destruction de logements construits par G. Candilis à Toulouse

Christine Leconte a écrit à Roselyne Bachelot pour lui demander qu'une solution alternative soit trouvée à la destruction programmée de plusieurs résidences de logements, au caractère architectural remarquable, construits au Mirail.
Publié le
, mis à jour le
1 mai 2024
Image
1440px-reynerieplaceabbalduhautdulac3.jpg
Vue générale du quartier du Mirail à Toulouse
(Photo Alno — Travail personnel, CC BY-SA 3.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=1550403)

Reproduction du Courrier adressé à Roselyne Bachelot, ministre de la Culture, le 1er avril 2022 :


Madame la ministre,

Le projet, en cours, de rénovation urbaine du quartier populaire de la Reynerie à Toulouse prévoit, comme vous le savez, la destruction de cinq résidences construites dans les années 1970 par l'équipe d'architectes et d’urbanistes menée par l’architecte George Candilis.

Cette destruction d’un ensemble architectural aux qualités singulières, qui a marqué l’époque et le territoire, a ému un grand nombre d’habitants, d’acteurs locaux et d’architectes (dont trois titulaires du Grand prix national de l’architecture), ainsi que de l’association Docomomo, qui vous ont déjà alertée sur le gâchis patrimonial, écologique et humain d’une telle démolition.

Nous voulons à notre tour plaider auprès de vous pour qu’une issue alternative à la destruction soit trouvée.

Nous savons quel est votre engagement sur ces questions. Vous avez eu des paroles justes à ce sujet en octobre dernier à l’ouverture des Journées nationales de l’architecture : en effet, disiez-vous, sur ces sujets « les exigences écologiques rejoignent ici le respect que nous devons au patrimoine et le besoin (…) d'inscrire nos vies dans le temps long. Chaque fois qu'un bâtiment est détruit, c'est un morceau du passé dont nous nous coupons. »

Le Mirail, mais aussi la Butte rouge à Chatenay-Malabry, le siège de l’Insee à Malakoff, et tant d’autres cas qui sont appelés à se multiplier avec le temps : il nous faut construire une approche politique et culturelle globale pour le devenir du patrimoine architectural du XXème siècle.

Les bâtiments menacés aujourd’hui à Toulouse relèvent bien d’une architecture de l’ordinaire exceptionnelle. La qualité des plans de ces logements, la générosité des espaces, les séjours traversants, les espaces extérieurs, les possibilités d’adaptation, l’éclairage naturel, et, d’une manière générale, l’inventivité et l’innovation dans leur conception, font référence aujourd’hui malgré le vieillissement du bâti et la dégradation des espaces communs.

Ce sont des qualités que vous-même et la ministre déléguée au Logement avez œuvré pour imposer aux futurs logements neufs. De telles mesures ont été rendues nécessaires pour réagir à la dégradation de l’habitat construit ces vingt dernières années, oublieux justement des qualités dont les résidences du Mirail avaient été, et sont toujours, un exemple remarquable.

Il faut aussi souligner l’erreur écologique que représenterait la démolition d’un tel ensemble suivi de la reconstruction d’autant de nouveaux logements. La « dette carbone » de ces bâtiments a aujourd’hui été amortie. La construction d’un bâtiment, même aux meilleures normes actuelles, représente environ 60% de son bilan écologique, sur l’ensemble de son cycle de vie. Une réhabilitation, même lourde, est toujours nettement plus écologique, elle évite la production de déchets ainsi que la fabrication de nouveaux matériaux tels que le ciment et le béton.

L’architecture a la responsabilité de viser aujourd’hui l’économie de moyens. Cela demande de l’inventivité, celle dont ont su faire preuve, par exemple, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal avec l’opération de rénovation du Grand Parc à Bordeaux. Nous souhaitons qu’une solution comparable, alternative à la démolition, puisse être trouvée au Mirail.

L’importance patrimoniale des immeubles de Georges Candilis offre toutes les conditions pour qu’une opération prestigieuse de rénovation architecturale soit entreprise.

Nous vous prions donc de bien vouloir intervenir dès maintenant auprès du président de la Métropole de Toulouse pour suspendre les opérations, le temps de mandater des experts et définir les contours de cette alternative, en prenant explicitement en compte les valeurs patrimoniales, culturelles, humaines et écologiques de ces bâtiments.

Veuillez agréer, Madame la ministre, l’expression de ma haute considération,

Christine LECONTE
Présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes

Partager

Commentaires

Permalien

Merci pour cette belle lettre Christine. Je peux témoigner que les premiers architectes qui ont pensé écologie ont travaillé avec G Candilis. Georges Wursteisen, Zugmunt Kniechewski, Ren Suzuki, Kazuo Iwamura, Manfred Hegger ont eu comme successeurs Françoise-Hélène Jourda, Gilles Perraudin....

Bien amicalement

Albert Dubler

Permalien

Chère Présidente,

Merci pour cet appel judicieux à notre ministre. Je fus élève de l'atelier Candilis à l'Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts. Mais ce n'est pas par nostalgie que je soutiens ta démarche, mais par conviction de la nécessité de respecter l'oeuvre de ce grand "patron". Il a apporté de belles pierres à notre architecture, et transmis ses convictions à beaucoup de nos confrères dont certains ont acquis une notoriété internationale (Antoine Grumbach, Christian de Porzamparc...pour ne citer que ceux là.

Quant à tes arguments techniques...c'est le bon sens même.

Bien confraternellement à toi,

Alain Diatkine