Suivi de chantier : toute mise en demeure doit émaner du maître d’ouvrage et non de l’architecte

Dans une décision récente, la Cour de cassation rappelle qu’une mise en demeure doit émaner du maître d’ouvrage. L’occasion de rappeler quelques règles de forme et de fond pour s’assurer de sa régularité.
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Prévue aux articles 1344 à 1345-3 du code civil, la mise en demeure s’entend de l’acte par lequel une partie à un contrat interpelle son cocontractant pour qu’il exécute ses obligations. Elle porte un caractère plus coercitif qu’un simple rappel des obligations ou d’une lettre de relance adressée à une partie, car elle est susceptible de générer des effets juridiques conséquents en cas de non-respect de ses termes. Elle peut notamment entrainer la mise en œuvre d’une sanction contractuelle, la résiliation du contrat ou encore le déclenchement d’une procédure judiciaire.

Par sa décision du 7 septembre 2022, la Cour de cassation rappelle l’une des conditions essentielles de régularité : pour produire des effets, la mise en demeure doit émaner du maître d’ouvrage et non de l’architecte.

Dans le cadre de sa mission de direction de l’exécution des contrats de travaux, l’architecte hérite généralement de la possibilité de communiquer avec les entreprises de travaux pour l’exercice de sa mission. En tant que tiers au contrat qui lie le maître d’ouvrage à une entreprise de travaux, l’architecte ne dispose assez logiquement pas de la capacité à émettre une mise en demeure.

En clair, si l’architecte communique librement avec les entreprises dans le cadre de son pouvoir de direction du chantier et parfois même sous une forme très directive proche de l’injonction, toute mise en demeure est émise et signée par le maître d’ouvrage ou le cas échéant par le mandataire de maîtrise d’ouvrage. Cette solution vaut en marchés privés comme en marchés publics.

L’architecte peut naturellement assister le maître d’ouvrage pour préparer la mise en demeure. Cet acte est un instrument de gestion opérationnelle du chantier mais il constitue aussi et bien souvent le préalable d’une phase contentieuse et juridictionnelle. Il convient d’être vigilant et rigoureux lors de son élaboration et de sa transmission, à travers le respect de quelques règles essentielles sur la forme et sur le fond.

Pour être régulière la mise en demeure doit notamment :  

  • s’intituler comme telle : le terme "mise en demeure" apparent ne laisse ainsi aucun doute au cocontractant ;
  • être écrite, signée et adressée par le maître d’ouvrage puis transmise dans les formes prévues par le contrat. Dans le silence de ce dernier, mieux vaut adresser la mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception. Dans tous les cas, le mode de transmission doit garantir la date et l’heure de réception de la mise en demeure par l’entreprise, ne serait-ce que parce qu'il y a toujours un délai en jeu (cf. ci-dessous).
  • exposer au moins sommairement les circonstances de l’opération et le fait générateur : il s’agit de décrire la situation qui génère l’envoi de la mise en demeure et d’indiquer précisément l’obligation ou les obligations qui ne sont pas respectées par le cocontractant.
  • préciser le délai dont dispose le cocontractant mis en demeure pour se conformer à ses obligations : soit le contrat (ou un CCAG s’il y est fait référence) prévoit ce délai, soit il est possible de définir un délai raisonnable (entre 8 à 15 jours au travers de la jurisprudence). La définition du délai constitue un équilibre entre la possibilité laissée à l'entreprise de remplir son obligation de manière réaliste et la volonté du maître d’ouvrage de voir l’entreprise réagir rapidement.
  • identifier les conséquences de la mise en demeure si l’entreprise ne s’y conforme pas : il peut s’agir des sanctions prévues dans le contrat pour lesquelles une mise en demeure préalable était nécessaire (absence de transmission du projet de décompte final, résiliation pour faute, …) ou de la mise en œuvre d’une procédure judiciaire.

Les suites de la mise en demeure varient bien entendu selon la réponse du cocontractant. L’absence de réponse permet au maître d’ouvrage d’enclencher les sanctions ou les mécanismes indiqués dans la mise en demeure.

>> Pour en savoir plus : Décision de la Cour de Cassation du 7 septembre 2022 - Pourvoi n° 21-21.382

Publié le 12.09.2022 - Modifié le 27.03.2024
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