Le confinement impose le renouvellement d’air

En cette période d’épidémie d’affections respiratoires liées au coronavirus, la réduction du risque de transmission est impérative. Note de Medieco sur les stratégies et mesures à adopter dans les bâtiments.
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(DR / Medieco)
Le confinement impose le renouvellement d’air

Auteur : Suzanne Déoux, médecin spécialiste ORL (https://www.medieco.fr)

En cette période d’épidémie d’affections respiratoires liées au coronavirus, la réduction du risque de transmission est impérative. Le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), dans son avis du 17 mars 2020, publie diverses recommandations relatives, en particulier, à la ventilation des bâtiments.

Quelques éléments de contexte
Le 31 décembre 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a été informée par les autorités chinoises d’un épisode de cas groupés de pneumonies dont tous les cas confirmés avaient un lien avec un marché d’animaux vivants dans la ville de Wuhan (région du Hubei). Ces affections ont été, dès le 9 janvier 2020, attribuées à nouveau virus émergent identifié par l’OMS et désigné SARS[1]-CoV-2, responsable de la maladie COVID-19 (Coronavirus disease). Le 30 janvier 2020, au regard de l’ampleur de la transmission virale, l’OMS a déclaré cette épidémie « Urgence de santé publique de portée internationale (USPPI) ».

Le SARS-Cov-2 se transmet directement par inhalation de gouttelettes lors de toux ou d’éternuements et par contact des mains avec la bouche, le nez ou l’œil. Il a été détecté en divers endroits d’une chambre de patient infecté, suggérant une émission dans l’air de la chambre. Néanmoins, il n’existe pas d’études prouvant une transmission interhumaine du virus par des aérosols sur de longues distances. Si ce mode de transmission peut exister, il n’est pas majoritaire. D’autre part, la transmission manuportée à partir de l’environnement est possible car les coronavirus survivent probablement jusqu’à 3 heures sur des surfaces inertes sèches et jusqu’à 6 jours en milieu humide. Si le SARS-CoV-2 a pu être détecté dans les selles, la transmission virale par les selles est nettement moins importante que par les gouttelettes respiratoires ou manuportée.

Quelles stratégies générales de réduction des risques de transmission par voie aéroportée d’un virus dans un bâtiment ?
1- Les mesures de dilution et de calfeutrage

Elles visent à abaisser la charge virale dans les lieux de vie. L’ouverture des fenêtres permet de favoriser l’apport d’air extérieur et le renouvellement d’air. Le calfeutrage des sections de passage de l’air d’une pièce à l’autre est une mesure barrière permettant de limiter la dispersion de l’aérosol viral.

2- Les mesures de limitation de la dispersion par les réseaux aérauliques

Elles comprennent une mesure barrière comme la filtration dans le réseau de distribution d’air voire une inactivation, par exemple, à l’aide de dispositifs de traitement de l’air par rayonnement UV, technique qui n’est réellement souhaitable que pour les établissements de santé.

Les recommandations pour la ventilation des logements
En raison de la transmission interhumaine préférentielle du SARS-CoV-2 par gouttelettes, la mise en œuvre de mesures de dilution par aération et de vérification du bon fonctionnement des systèmes de ventilation est privilégiée.

1- Dans l’habitat individuel

Si les personnes en confinement ne présentent aucun symptôme, il n’est pas exclu qu’elles soient des porteurs sains du coronavirus. Comme en temps normal, le renouvellement d’air des locaux doit être assuré.

Lorsqu’une personne est malade, la gestion du risque de transmission au sein d’un même logement commence par son maintien dans une des pièces du logement, habituellement la chambre. Si le patient doit en sortir, le port d’un masque anti-projections de type chirurgical, et les mesures barrières d’hygiène des mains et de distanciation sont indispensables

Outre le fonctionnement correct de la ventilation — si le logement en est équipé — la surventilation par ouverture en grand des fenêtres de la chambre occupée par le malade doit être effectuée pendant une durée minimale de 15 minutes et au minimum 3 fois par jour. Cette pièce doit être aérée de façon séparée du logement, en maintenant fermée la porte de la pièce et en assurant le plus possible son étanchéité vers le reste du logement, par exemple, par calfeutrage avec un boudin de bas de porte.

Il est ainsi recommandé pour le système de ventilation de vérifier :

  • l’absence d’obstruction des orifices d’entrée d’air des pièces de vie (séjour, chambres),
  • le non-encrassement et l’absence d’obstruction des bouches d’extraction dans les pièces de service (cuisine, salle de bain et WC),
  • le fonctionnement du ventilateur d’extraction de la VMC (test de la feuille de papier qui reste plaquée sur la bouche d’extraction).

2- Dans l’habitat collectif

Dans le cas d’un studio, le malade doit porter un masque et, comme dans l’habitat individuel, les conseils d’aération régulière sont très importants. L’idéal serait que les autres occupants puissent être hébergés dans un autre logement.

Outre la mise en œuvre des mêmes actions qu’en logement individuel, il est nécessaire de limiter les transferts aériens du logement vers les circulations communes (paliers et cages d’escalier) en calfeutrant la porte palière du logement avec un boudin de bas de porte.

Les recommandations pour le renouvellement d’air des bâtiments tertiaires
Pour les lieux de travail où une occupation occasionnelle de personnes infectées est attendue, (bureaux, écoles, magasins, établissements sportifs… sauf hôpitaux et établissements de santé) le document guide REHVA[2] COVID-19 du 16 mars 2020 résume les recommandations principales relatives au fonctionnement des installations aérauliques de ces bâtiments 

1- Accroître l’amenée et l’extraction d’air

Dans les bâtiments disposant d’installations de ventilation, une augmentation de leur durée de fonctionnement est recommandée. Il convient de modifier la programmation horaire en fixant la mise en service deux heures plus tôt et l’arrêt deux heures plus tard que d’habitude. La meilleure solution est de maintenir une ventilation permanente 24h/24 et 7 jours sur 7 en abaissant le débit lors des périodes d’inoccupation lorsque c’est possible. Avec la saison printanière et les besoins en chauffage et en refroidissement réduits, ces pratiques n’auront qu’un faible impact énergétique, mais permettront d’évacuer les particules virales du bâtiment et de les éliminer des surfaces où elles auraient pu se déposer. Si, en raison du télétravail, les effectifs de personnel se trouvent réduits, il importe de ne pas rassembler le personnel présent dans des espaces réduits mais de conserver ou même d’augmenter la distance entre les occupants tout en renforçant le renouvellement d’air.

2- Favoriser l’aération par ouverture des fenêtres

Éviter les espaces confinés et à trop forte densité d’occupation est une recommandation habituelle qui prend encore plus d’importance en période épidémique. Ouvrir les fenêtres, geste trop oublié pour accroître le renouvellement d’air, est vivement recommandé pendant une quinzaine de minutes, surtout si le local a été précédemment occupé, qu’il soit équipé ou non d’une ventilation mécanique.

3- Arrêter le fonctionnement de certains systèmes de récupération de chaleur

La réintroduction de particules chargées en virus dans le circuit d’amenée d’air est possible avec les échangeurs rotatifs, y compris les roues enthalpiques. Les particules présentes dans l’air extrait peuvent être remises en suspension et réintroduites dans le flux d’air neuf. Il est donc recommandé de mettre à l’arrêt ce dispositif pendant les épisodes épidémiques liés au SARS-CoV-2.

Si des fuites sont suspectées entre les circuits d’air extrait et d’air neuf, un réglage de pression, voire un by-pass, peuvent être des options possibles pour éviter toute fuite du circuit d’air extrait vers le circuit d’air neuf.

L’utilisation de récupérateurs de chaleur à batteries séparées élimine tout risque de contamination de l’air neuf par l’air extrait.

4- Désactiver la recirculation de l’air

Les particules virales circulant dans les conduits d’air extrait peuvent être réintroduites dans le circuit d’amenée d’air lorsque les centrales de traitement d’air sont équipées d’un dispositif de recirculation. Lors des épisodes épidémiques, il convient de fermer ces volets de recirculation, soit par l’intermédiaire du système de gestion technique centralisée du bâtiment (GTB/GTC), soit manuellement. Cette action qui peut réduire fortement la puissance de chauffage ou de refroidissement de l’installation doit être explicitée et acceptée par les occupants comme moyen de protection de leur santé.

Même si les sections de recirculation des centrales de traitement d’air sont équipées de filtres, les volets de recirculation doivent être fermés, car ces filtres ne possèdent pas les caractéristiques de filtration HEPA nécessaires.

Si cela est possible dans les systèmes décentralisés, l’arrêt des unités locales de type ventiloconvecteurs évite la remise en suspension des particules contaminées présentes dans la pièce. En effet, les filtres grossiers équipant ces appareils ne peuvent arrêter les particules fines. Si l’arrêt de ces équipements n’est pas possible, ils doivent être régulièrement nettoyés pour éviter l’accumulation particulaire de surface.

5- Éviter des gestes inutiles

  • Le nettoyage des conduits de ventilation n’est pas efficace dans la lutte contre la transmission du SARS-CoV-2 parce que le réseau de ventilation n’est pas en soi une source de contamination dans la mesure où les recommandations précédentes concernant la récupération de chaleur et de recirculation d’air sont respectées. Les procédures habituelles de maintenance et de nettoyage doivent bien évidemment être appliquées.
  • La contamination de l’air extérieur par le virus est très rare et ne pourrait survenir que lorsque les sorties d’air extrait sont trop proches des prises d’entrée d’air. Le changement des filtres de l’air extérieur n’est donc pas nécessaire, hormis la procédure normale de remplacement lorsque la perte de charge admissible ou la date limite sont dépassées. L’encrassement des filtres n’est pas une source de contamination dans ce cas, mais il réduit le débit d’air neuf ce qui augmente le risque de contamination dans les locaux.
  • Les purificateurs d’air, pour être efficaces, doivent posséder un filtre d’efficacité HEPA. En raison des débits d’air limités, les purificateurs d’air ne peuvent traiter que des pièces de surface réduites, de moins de 10 m2. Pour cette raison, leur utilisation n’est pertinente que si l’appareil est placé aussi près que possible de la zone à protéger.

 

 

[1] SARS : Severe Acute Respiratory Syndrome

[2] REHVA : Federation of European Heating, Ventilation and Air Conditioning Associations

Publié le 26.03.2020 - Modifié le 30.03.2020