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Comment mieux articuler les enjeux de préservation et de reconquête de la biodiversité et les enjeux du secteur du bâtiment ?

L’enquête « Bâtiment et biodiversité », lancée à l’été 2020 par la DGALN, montre la mobilisation des acteurs du cadre bâti, notamment des architectes, pour mieux intégrer les enjeux de biodiversité dans les projets de bâtiment (construction et rénovation). Pour cela, une approche en cycle de vie et une collaboration avec les professionnels de la biodiversité doivent être davantage encouragées, et ce dès la phase de conception.

Publié le
, mis à jour le
16 mai 2024
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L'Osasis d'Aboukir, un mur végétal de 250m² à Paris, avec 7600 plantes de 250 espèces différentes. Botaniste : Patrick Blanc
(source : www.ecologie.gouv.fr / © l'Oasis d'Aboukir, Paris - Arnaud Bouissou / Terra)

Près d’un million d'espèces animales et végétales sont menacées d'extinction selon le dernier rapport de la Plateforme intergouvernementale sur l’état de la biodiversité et des services écosystémiques (IPBES). Les auteurs retiennent cinq causes principales de ce « déclin sans précédent » de la biodiversité, à savoir par ordre d’importance décroissante : les changements d’usage des terres et de la mer, l’exploitation directe de certains organismes, le changement climatique, la pollution et les espèces exotiques envahissantes.

En particulier, en tant que principal consommateur d’espaces par le développement de projets d’aménagement, le secteur du bâtiment contribue à l’artificialisation des sols[1] : l’étalement urbain et les constructions diffuses participent notamment à la destruction de milieux naturels et la fragmentation des paysages. Ces facteurs concourent à l’érosion de la biodiversité, ainsi qu’au changement climatique. En outre, le prélèvement en ressources naturelles du secteur du bâtiment (comme le sable et l’eau pour le béton notamment) contribue à la dégradation des services écosystémiques, nécessaires au fonctionnement et au bien-être de la société.

A la croisée de ces enjeux, la responsabilité des acteurs de l’acte de construire/rénover est déterminante, compte tenu de leur impact fort et direct sur la biodiversité et en accord avec les réglementations existantes.  En particulier, la conciliation des enjeux bâtiment et biodiversité implique une conception différente, qui vise à réduire les impacts négatifs sur l’environnement tout en permettant la préservation et la restauration de la biodiversité.

Bilan de l’enquête « Bâtiment et Biodiversité »

Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan Biodiversité et de la lutte contre l'artificialisation des sols, la Direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), a lancé durant l’été 2020 un questionnaire sur la relation entre monde vivant et cadre bâti. L’objectif est de définir une série de mesures pour une meilleure articulation entre les enjeux de préservation et de reconquête de la biodiversité et de qualité de la construction des bâtiments.

Avec au total plus de 700 réponses reçues, l’enquête « Biodiversité et bâtiment » montre la mobilisation d’une grande diversité d’acteurs, équitablement répartis entre les professionnels de la construction, dont des architectes, et les professionnels de la biodiversité.

Elle révèle les pratiques, perceptions et attentes des acteurs du cadre bâti (architectes, bailleurs, aménageurs, entreprises du bâtiment, etc.), qui souhaitent mieux intégrer les enjeux de biodiversité dans leurs projets. Cependant, il en ressort notamment un fort besoin d’amélioration des connaissances et de travail commun, en mettant en place des collaborations entre professionnels de la construction et de la biodiversité dès l’avant-projet.

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Infographie : Solène Mancel

Des enjeux à chaque étape, au bénéfice de l’environnement, des usagers et du projet

  • La moitié des acteurs de l’acte de construire a déjà été confronté à la prise en compte des enjeux de biodiversité lors de projets de construction/rénovation. Si la majorité d’entre eux (79%) ont pu trouver des solutions concrètes pour concilier les enjeux bâtiment et biodiversité, plus d’un tiers (37%) expriment avoir rencontré des difficultés pour parvenir à ces solutions.   
  • Globalement, la problématique est davantage rencontrée pour les constructions neuves. Cependant, les gestionnaires, exploitants et bailleurs sociaux y ont plutôt été confrontés pour des travaux de rénovation.
  • La majorité des acteurs du bâtiment (82%) répondent avoir été confrontés aux enjeux de biodiversité lors de la conception, ensuite pendant les travaux de rénovation (38%) et la phase chantier (31%).
  • Le plus souvent, les acteurs reconnaissent que l’intégration de la biodiversité dans un bâtiment a des impacts positifs, notamment pour améliorer le bien-être des usagers et pour accueillir de la biodiversité. En outre, les acteurs pensent qu’un bâtiment inspiré du vivant (biomimétisme par exemple) peut permettre une conception (orientation, éclairage, etc.) et un fonctionnement optimisés, mais aussi augmenter sa valeur économique.

L’importance d’une approche en cycle de vie, et en particulier dès l’avant-projet

  • Dans 46% des cas, la conciliation des enjeux bâtiment et biodiversité implique une conception différente des projets, et peut entraîner une amélioration de la perception du projet (43%) et de  l’image du maître d’ouvrage (34%).
  • Mais cela peut également avoir des répercussions négatives, comme une augmentation du coût du projet (30%) ou un allongement de la durée des travaux (19%), notamment si les enjeux biodiversité n’ont pas été anticipés dès le départ.  
  • Plus d’un tiers des répondants (35%) estiment qu’il est nécessaire de prendre compte les enjeux de biodiversité à toutes les étapes du cycle de vie du bâtiment, et plus particulièrement lors de la phase conception, de la phase rénovation et de la phase de l’exploitation.

Un besoin d’amélioration des connaissances et des freins à lever pour concrétiser les projets

  • Les acteurs du bâtiment associent encore peu souvent les écologues lors de leurs projets de construction neuve (30%), et encore moins lors des projets de rénovation (24%).
  • 89% des acteurs du bâtiment n’ayant pas encore abordé le sujet au cours de leurs expériences passées souhaiteraient être mieux informés des possibilités de mieux intégrer la biodiversité dans leurs projets.
  • Globalement, les répondants estiment que les freins culturels et financiers sont plus contraignants que les freins réglementaires et techniques pour réussir à concilier les enjeux bâtiment et biodiversité.

Les enseignements clés pour mieux concilier les enjeux bâtiment et biodiversité  

  • Un fort besoin de travail commun entre les acteurs concernés par ces enjeux, qui doit s’accompagner notamment d’une sensibilisation de l’ensemble des acteurs du bâtiment et d’un portage au niveau politique. Cela demande également une meilleure information, voire une implication des usagers.
  • Un besoin d’amélioration des connaissances des impacts (positifs et négatifs) et liens que peuvent avoir les bâtiments et la biodiversité, en considérant l’impact des matériaux et produits (équipement/énergie) sur la biodiversité sur l’ensemble de leur cycle de vie.  
  • L’importance d’une approche des enjeux de biodiversité sur l’ensemble du cycle de vie du bâtiment, dès la conception de celui-ci, en distinguant néanmoins deux types de problématiques : les opérations de constructions neuves (conception, implantation, diagnostic et enjeux avant construction, etc.) présentent une liberté de conception et de choix plus importantes que les opérations de rénovation (contraintes de l’existant, diagnostic du bâti, etc.) qui doivent s’adapter au patrimoine existant.
  • Une conception prenant en compte de manière anticipée l’évolution du bâtiment sur le temps long (contraintes futures de gestion, de rénovation, de déconstruction…), et notamment pour proposer des solutions favorables à la biodiversité (développement de la végétation par exemple).
  • Enfin, il est nécessaire d’intégrer le bâtiment au fonctionnement global de l’écosystème dans lequel il s’inscrit (méthodes de conception bioclimatique et gestion des eaux pluviales sur la parcelle par exemple), en lien avec les continuités écologiques (trames vertes et bleues notamment), et plus globalement avec le quartier ou la ville.

Pour en savoir plus :

>> Télécharger l’infographie et le dossier complet (12 pages)

>> Retrouver le « Dossier Biodiversité » sur la « Plateforme Transition écologique » du Conseil national.

 

[1] Le dernier rapport de France Stratégie (juillet 2019), estime à 20 000 hectares en moyenne la surface des terres artificialisées chaque année en France entre 2006 et 2016 (hors infrastructures de transport), et la tendance est à la hausse

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