National
Réglementation - Juridique

Des ordonnances pour accélérer la reconstruction des bâtiments suite aux émeutes de juin

Pour faire face aux dégâts causés par les émeutes urbaines, la loi du 25 juillet 2023 a autorisé le gouvernement à prendre des mesures par ordonnances pour faciliter la reconstruction des bâtiments détruits ou dégradés. Ces mesures concernent les domaines de l’urbanisme, de la commande publique et du financement de travaux par les collectivités territoriales.
Publié le
, mis à jour le
1 mai 2024
Image
mairie_-_villeneuve-le-roi
Mairie de Villeneuve le Roi (94) incendiée lors des émeutes de juin 2023
(Photo : Chabe01 / CC BY-SA 4.0)

Une première ordonnance du 26 juillet portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique a été publiée cet été (le 27 juillet 2023).

Ce 14 septembre, sont parues au Journal officiel les deux dernières ordonnances du 13 septembre : l’une en matière d’urbanisme et l’autre en matière de financement des travaux publics des collectivités.

Des règles de passation des marchés publics assouplies

L’ordonnance n°2023-660 du 26 juillet 2023 portant diverses adaptations et dérogations temporaires en matière de commande publique nécessaires à l’accélération de la reconstruction et de la réfection des équipements publics et des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines a adapté les règles de la commande publique s’agissant des marchés de travaux nécessaires à la reconstruction des bâtiments détruits.

Cette ordonnance, composée de cinq articles, prévoit trois dispositions permettant aux collectivités de déroger aux règles du Code de la commande publique pour les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction, applicables pour une durée de neuf mois à compter de son entrée en vigueur. Ces dérogations sont donc limitées dans le temps et sont applicables aux marchés pour lesquels une consultation est engagée entre le 28 juillet 2023 et le 28 avril 2024.

Des marchés de travaux pouvant être passés sans publicité ni mise en concurrence

Les marchés de travaux nécessaires à la reconstruction pourront être passés sans publicité ni mise en concurrence :

  • Pour les opérations inférieures à 1,5 million d’euros H.T.
  • Pour les lots dont le montant est inférieur à 1 million d’euros HT à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20% de la valeur totale estimée de l’ensemble des lots.

Une dérogation au principe de l’allotissement obligatoire

Les collectivités sont autorisées à déroger au principe de l’allotissement obligatoire, et ce, sans justification ni limitation de montant.

Création d’un nouveau cas de recours au marché de conception-réalisation

Un nouveau cas de recours au marché de conception-réalisation est créé : les acheteurs peuvent confier à un opérateur économique une mission globale portant sur la conception, la construction ou l’aménagement d’équipements publics et de bâtiments détruits ou dégradés, et ce, quel que soit le montant estimé des travaux.

L’adaptation des règles en matière d’urbanisme

L’ordonnance n°2023-870 du 13 septembre 2023 tend à l’accélération de la délivrance et la mise en œuvre des autorisations d’urbanisme permettant la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés au cours des violences urbaines.

Cette ordonnance de neuf articles instaure un régime dérogatoire aux règles d’urbanisme pour permettre une reconstruction plus rapide des bâtiments détruits ou dégradés. Ce régime est applicable aux demandes d’autorisation d’urbanisme déposées dans les dix-huit mois à compter de son entrée en vigueur, c’est-à-dire pour les demandes déposées entre le 15 septembre 2023 et le 15 mars 2025.

Des dérogations apportées au régime de la reconstruction à l’identique

Tout d’abord, l’ordonnance prévoit des dérogations au régime de la reconstruction à l’identique.

La reconstruction à l’identique est prévue par l’article L. 111-15 du Code de l’urbanisme, elle permet de reconstruire un bâtiment démoli depuis moins de dix ans, dès lors qu’il a été régulièrement édifié, que la construction est identique au bâtiment détruit et que le PLU ou la carte communale ne l’exclut pas.

L’ordonnance prévoit la possibilité de reconstruire à l’identique les bâtiments détruits pendant les émeutes, « y compris lorsqu’un plan local d’urbanisme, tout document en tenant lieu ou la carte communale en dispose autrement » (article 2 de l’ordonnance n°2023-870).

Cet article prévoit, en plus, la possibilité d’adapter la construction initiale, dans la limite d’une diminution ou d’une augmentation de 5% du gabarit initial du bâtiment.

L’ordonnance va même plus loin puisqu’elle prévoit la possibilité d’aller au-delà de ce seuil de 5% dès lors que le pétitionnaire justifie de dérogations fondées sur un motif d’amélioration des performances énergétiques, d’accessibilité ou de sécurité, la seule limite étant que ces adaptations ne doivent pas conduire à une modification de la destination ou de la sous-destination du bâtiment. Par exemples, une construction qualifiée d’habitation ne pourra pas être transformée en commerce.

Un garde-fou est néanmoins prévu par le texte qui précise que le droit à reconstruction ne s’applique que dans la limite des règles applicables en matière de risques naturels, technologiques ou miniers, c’est-à-dire qu’il ne pourra pas être dérogé aux PPRI (Plan de prévention des risques d’inondation), PPRT (Plan de prévention des risques technologiques) et PPRM (Plan de prévention des risques miniers).

La possibilité de démarrer les travaux plus rapidement

L’ordonnance permet au maître d’œuvre de débuter les travaux de démolition, de terrassement et de fondation dès le dépôt de la demande d’autorisation d’urbanisme.

Pour l’Ordre, cela présente un risque considérable pour le maître d’ouvrage dans le cas où la décision serait refusée alors que les travaux ont déjà commencé.

Des règles de procédure allégées

Un formalisme spécifique est prévu pour le dépôt des demandes d’autorisation d’urbanisme.

  1. La demande d’autorisation d’urbanisme doit préciser qu’elle est soumise au régime dérogatoire de l’ordonnance.
  2. Ensuite, elle doit comporter une motivation spécifique dès lors que le projet comporte des adaptations ou des améliorations (c’est par exemple le cas d’une augmentation de plus de 5% du volume de la construction en raison de l’amélioration des règles d’accessibilité).
  3. Les délais d’instructions sont réduits et passent à :
  • Un mois pour le permis de construire, contre deux à trois mois selon la procédure de droit commun ;
  • Quinze jours pour la déclaration préalable, contre un mois en procédure de droit commun.
  1. S’agissant des demandes de pièces complémentaires pour dossier incomplet, celles-ci ne peuvent être adressées que dans un délai de 5 jours à compter de la réception du dossier (le droit commun prévoyant un délai d’un mois).
  2. De même, les transmissions pour avis, accord ou autorisation doivent être adressées à l’autorité compétente dans le délai de 5 jours suivants sa réception. L’autorité délivre l’avis, l’accord ou l’autorisation dans le délai de 15 jours.
  3. La majoration du délai d’instruction est limitée à 15 jours à compter de la réception du dossier, sauf dans le cas où les travaux sont subordonnés à l’accomplissement préalable d’une procédure de participation du public, auquel cas la majoration de l’instruction ne peut excéder 45 jours.
  4. Enfin, dans les cas où la réalisation des travaux requiert l’accomplissement préalable d’une procédure de participation du public, celle-ci peut être effectuée par voie électronique.

Adaptation des règles en matière de finances des collectivités territoriales

L’ordonnance n°2023-871 du 13 septembre 2023 vise à faciliter le financement de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits. Elle prévoit trois dérogations aux règles de financement des travaux pour les collectivités territoriales :

  1. Les dépenses liées à la réparation des dommages causés par les émeutes sont éligibles de manière systématique aux fonds de compensation de la TVA (FCTVA) ;
  1. Les collectivités peuvent déroger au principe de participation minimale de financement de projet par le maître d’ouvrage pour leurs projets de reconstruction ;
  1. Enfin, il est dérogé au plafonnement des fonds de concours qui pourront donc être versés entre les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et leurs communes sans limitation.

 

Partager
Thématique

Commentaires