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Préconisations pour la pratique des marchés de conception-réalisation

Par la MAF - En 2018, dans le cadre de l’élaboration de la loi ELAN, le débat particulièrement nourri sur la place que doit occuper la conception-réalisation a montré les fortes réticences de la profession à souscrire à ce type de contrat global.
Mis à jour le
7 octobre 2020
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grue chantier

La MAF est un observatoire privilégié des modes d’exercice des métiers de la maîtrise d’oeuvre. En 2018, dans le cadre de l’élaboration de la loi ELAN[1], le débat particulièrement nourri sur la place que doit occuper la conception-réalisation a montré les fortes réticences de la profession à souscrire à ce type de contrat global.

Les raisons rappelées par les architectes sont nombreuses. Les principales peuvent être synthétisées en trois points. La conception-réalisation :

  • Ne garantit pas l’indépendance de l’architecte et le place en situation de subordination préjudiciable à la maîtrise d’ouvrage ;
  • Favorise le cloisonnement entre la conception et la réalisation ;
  • Ramène la qualité architecturale au second plan, au profit de la seule économie du projet.

Pour autant, les architectes n’ont pas d’autre choix que de prendre part aux marchés de conception-réalisation. La MAF s’est mise en quête de recueillir les avis de professionnels - maîtres d’ouvrage publics et privés, entreprises et juristes spécialisés - pour analyser les risques que fait naître ce mode de dévolution de la commande pour les maîtres d’œuvre. Il ressort de cette enquête une multitude d’observations dont voici un extrait. La conception-réalisation :

  • Fonctionne mal dans un contexte politique instable où les règles d’urbanisme – le PLU notamment – est contestable : il est assez difficile de mener une concertation avec les riverains une fois le marché attribué ; 
  • Limite la mise en concurrence à un nombre trop réduit d’opérateurs, et donc d’architectes (offre architecturale insuffisante) ;
  • Incite les entreprises à toujours travailler avec les mêmes architectes du fait d’une charge de travail importante pour candidater et de la nécessité de bien se connaître au sein du groupement (faible mise en concurrence) ;
  • N’est pas toujours bien perçue dans les « territoires » à cause de l’offre restreinte d’architecture et la mainmise de la maîtrise d’ouvrage sur les choix ;
  • Réduit la qualité architecturale du projet à la « marge » que l’entreprise accorde à l’architecte au sein du groupement ;
  • Ne permet pas de juger convenablement le projet sur les prix, la qualité technique et architecturale du fait de l’insuffisance de pièces au stade de la remise des offres ;
  • Sert à certains maîtres d’ouvrage à passer par une entreprise générale sans avoir à justifier leur choix pour échapper au marché en corps d’état séparés imposé en MOP ;
  • Sert à certains maîtres d’ouvrage pour échapper à leur responsabilité notamment en matière de maîtrise des risques de coût et délai, en les « transférant » vers un opérateur « qui s’occupe de tout » ; 
  • Donne lieu à une convention de groupement publiée par EGF-BTP inacceptable qui pénalise la maîtrise d’œuvre ;
  • Donne lieu à des contrats et actes d’engagement qui contiennent des clauses « qui vont tuer la maîtrise d’œuvre et les assureurs ne suivront pas ! Les maîtres d’œuvre n’étant pas des « cautionneurs » d’assurance » ;
  • Rétrécit la mission du maître d’œuvre en économie de la construction, étude thermique, direction de l’exécution des contrats de travaux (DET)… qui disparaissent progressivement au profit de l’entreprise mandataire ;
  • Manque de transparence, ce qui génère de fortes plus-values lorsque les projets se précisent entre l’APD - au stade de la sélection des constructeurs - et l’exécution ;
  • Déshabille le projet architectural en aval du processus de construction pour protéger ou reconstituer la marge de l’entreprise lorsque qu’en amont, notamment, le programme est mal ficelé ou le budget mal apprécié ;
  • Supprime le contrôle de l’entreprise par le maître d’œuvre pour le recréer ailleurs sous l’appellation « AMO ». Ces derniers n’étant, pour autant, pas assurés pour ça ;
  • N’est pas propice à l’innovation qui comporte une part de risque dans un contrat global à très faible tolérance d’aléa ;
  • N’est pas propice aux programmes de bâtiment dont les technologies évoluent en permanence et qui nécessitent de nombreux ajustements pendant tout le processus de réalisation ;
  • Ne permet pas de réaliser de petites opérations dans de bonnes conditions (15 logements par exemple) du fait de la rareté des candidats.

La MAF rappelle que lors des travaux préparatoires à l’élaboration du décret d’application de l’article 91 de la loi CAP, elle s’est mobilisée pour introduire dans le texte un certain nombre de dispositions qui répondaient à quatre objectifs essentiels :

  • Identifier clairement les différents acteurs de la maîtrise d’œuvre dans le groupement d’opérateurs économiques ;
  • Redonner la mission de visa à la maîtrise d’œuvre en phase travaux sur les matériaux, matériels et équipements de telle sorte que la maîtrise d’ouvrage ne soit pas placée devant le fait accompli en fin d’opération ;
  • Résorber l’insécurité juridique pour la maîtrise d’œuvre liée à la direction de travaux et à la production de procès-verbaux de chantiers dans les contrats globaux ;
  • Lever les ambiguïtés juridiques liées au processus de réception dans le cadre des contrats globaux.

Depuis, la MAF a poursuivi ses travaux à la lumière des avis recueillis. Elle préconise également :

  • D’imposer la double candidature pour les entreprises qui candidatent deux fois pour la même opération avec deux architectes différents pour augmenter l’offre architecturale ;
  • D’imposer le contrat socle incompressible qui, pour l’architecte, consiste à réaliser la conception avec la mission de visa architectural ;
  • D’entreprendre la rédaction d’un « CCAG-travaux et prestations intellectuelles » pour améliorer la pratique de la conception-réalisation ; 
  • D’imposer la contractualisation tripartite de la convention de groupement et de son tableau de répartition des tâches, entre l’entreprise, le maître d’œuvre et le maître d’ouvrage ;
  • De définir clairement le niveau de rendu des prestations dans la remise des offres pour faciliter l’analyse des candidatures ;
  • De donner la possibilité de faire entrer un nouvel acteur au sein du groupement en cours de projet, si l’on constate par exemple que le maître d’œuvre a besoin de s’adjoindre les compétences d’un tiers… comme un bureau d’études spécialisé, par exemple ;
  • D’encourager les organisations professionnelles de maîtrises d’ouvrage, de maîtrise d’œuvre et d’entreprises à rédiger un contrat type et une convention de groupement type sous le contrôle de la Mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques ;
  • De donner la possibilité juridique de ne pas stopper l’opération de construction en cas de défaillance d’un membre du groupement ; 
  • De favoriser les candidatures de groupements intégrant une jeune équipe d’architectes, aux côtés d’architectes confirmés, pour leur donner une chance d’accéder à la commande ; 

Une première étape pourrait être l’élaboration d’une charte sur le contenu de laquelle chacun des acteurs devrait s’engager. C’est l’une des voies pour rééquilibrer les rapports de force entre acteurs de la conception-réalisation et améliorer la qualité des ouvrages.

 

[1] ELAN : Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

 

 

 

## Mots-clés pour rechercher dans le Livre blanc :
Marchés publics | Commande Qualité architecturale | Concours | Chantier

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