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Objectif neutralité carbone : prospective et stratégie pour le secteur résidentiel

Une étude réalisée par Carbone 4 et Pouget Consultants s’intéresse aux conditions de rénovation du parc de logements pour parvenir à la neutralité carbone de la France. Les auteurs cherchent à comprendre à quoi pourrait ressembler le parc résidentiel en 2050, en termes de performances énergétiques et d’équipements, pour respecter l’objectif imposé par la Stratégie Nationale Bas Carbone.

Publié le
, mis à jour le
15 mai 2024
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EcoQuartier des Docks de Saint-Ouen, Paris. Architectes coordinateurs du projet urbain : Bécardmap / DGM & associés
©Mika Baumeister (Source : unsplash.com)

Atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, un objectif ambitieux pour lutter contre le changement climatique

La neutralité carbone, telle que définie par le cabinet Carbone 4, « s’atteindra au moment où la quantité de gaz à effet de serre émise chaque année sur le territoire français sera équivalente à la quantité de CO² absorbée par les « puits de carbone » du territoire ». Autrement dit, la neutralité carbone consiste pour un pays à ne pas émettre plus de gaz à effet de serre qu’il ne peut en absorber via les puits de carbone naturels (océans, sols, forêts) ou technologiques.  

S’il est difficile de déterminer exactement les quantités stockées par les puits de carbone naturels, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) indique que les terres et les océans capteraient pour l’heure plus de la moitié des émissions liées aux activités humaines :

  • Sur les 32,6 milliards de tonnes de CO2 libérées en moyenne par an, les réservoirs terrestres (sols et biosphère) en auraient absorbé 9,5 et l’océan 8,5.
  • Les stocks de carbone contenus dans les sols et les forêts représenteraient alors plus de 3 fois la quantité de carbone de l’atmosphère[1] ; et l’océan, en absorbant près de 30% des émissions humaines, en contiendrait 50 fois plus que l’atmosphère[2].

En stockant davantage de CO2 qu’ils n’en émettent, ces écosystèmes contribuent à ralentir l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère et à atténuer le changement climatique. La préservation des écosystèmes terrestres et marins constitue un enjeu fort :

  • On ne sait pas, par exemple jusqu’à quand l’océan pourra stocker toujours plus de C02 car cela est à l’origine de l’augmentation de la température et de l’acidification de l’eau, avec des conséquences fortes sur la biodiversité. A cause de la déforestation, les forêts pourraient également perdre leur rôle de puits de carbone et au contraire devenir sources de carbone, accélérant le changement climatique.  
  • En France, la quantité de carbone susceptible d’être réémise dans l’atmosphère suite à une forte déstabilisation des écosystèmes naturels pourrait représenter plus de 60 fois les émissions nationales de 2015. La poursuite des tendances actuelles en matière d’artificialisation à l’horizon 2050 pourrait également conduire à un déstockage du carbone correspondant à 75% des émissions nationales de 2015.[3]

Selon les dernières projections du GIEC, les émissions mondiales nettes de CO2 doivent chuter de 45% (25%) d’ici 2030 par rapport à 2010 et devenir nulles en 2050 (2070) pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5°C. En cas de dépassement, pour contenir la hausse des températures à 2°C, elles doivent baisser de 25% d'ici 2030 pour viser la neutralité en 2070. Face à ces enjeux, la Stratégie Nationale Bas Carbone de la France (SNBC) prévoit de réduire les émissions nettes par 6 par rapport à 1990, pour atteindre un niveau d’émissions national de 85 millions de tonnes de CO2 en 2050.

Pour le secteur du bâtiment, qui représente un tiers des émissions nationales, le projet de la SNBC implique une décarbonation complète du parc tertiaire et résidentiel avec une réduction des émissions de 95% par rapport à 2015. Cet objectif sous-tend un objectif de performance énergétique avec « un parc 100% BBC (Bâtiments Basse Consommation) en moyenne en 2050».[4] Ces enjeux concernent plus spécifiquement le parc résidentiel qui pèse pour 27% de la consommation énergétique nationale, et représente près de 20% des émissions nationales.[5]

A quelles conditions le secteur résidentiel peut-il parvenir à la neutralité carbone telle que définie par la SNBC ?

L’étude réalisée par Carbone 4 et POUGET Consultants porte sur les conditions de rénovation du secteur résidentiel pour atteindre l’objectif de neutralité carbone. Il s’agit de comprendre à quoi pourrait ressembler le parc de logements en 2050, en termes de performances énergétiques et d’équipements de chauffage et eau chaude sanitaire, pour être compatible avec l’objectif de neutralité carbone de la France.

A partir de l’identification de quatre leviers d’action, les auteurs proposent une stratégie pour le secteur du logement articulée autour de cinq actions clés pour atteindre la neutralité carbone. Leurs recommandations portent tant sur les niveaux d’isolation du bâti et le rythme de rénovation du parc résidentiel que sur les changements d’équipements à réaliser pour respecter les exigences.

Les 4 propositions pour le secteur résidentiel pour atteindre l’objectif de neutralité carbone dans le bâtiment 

  1. Massifier la rénovation énergétique. La rénovation de l’enveloppe de tous les logements construits avant 2000 permettrait d’approcher le budget énergétique cible accordé au secteur résidentiel, ce qui correspondrait à une augmentation du rythme de rénovation à environ 500 000 logements rénovés chaque année au niveau BBC d’ici à 2050.
  2. Respecter des niveaux d’isolation minimum. Sur le parc de logements construits avant 2000, en l’absence de difficulté technique lourde à traiter, tous les lots enveloppe du bâtiment devraient être rénovés d’ici à 2050 avec des niveaux d’isolation égaux ou supérieurs à ceux définis par le CITE (selon les niveaux d’isolation définis en 2019). La mise en œuvre de ce scénario de rénovation permettrait de maîtriser les factures énergétiques pour les ménages : 85% des ménages pourraient parvenir à des factures inférieures à 1000€ TTC – à titre de comparaison, en 2019, un ménage français aurait consacré près de 1 700€ aux dépenses énergétiques de son logement selon l’Insee.
  3. Décarboner les énergies de chauffage et d’eau chaude sanitaire. En plus de l’isolation des logements, des changements d’énergies de grande ampleur devraient être mis en œuvre : l’élimination complète de l’usage du fioul et la baisse drastique de l’usage du gaz dans le résidentiel (-80% d’ici à 2050). Ces changements concerneraient 5 millions de logements construits avant 2012, dont près de 2,7 millions de maisons individuelles, 2 millions de logements collectifs en chaufferie collective gaz et 300 000 logements collectifs en chauffage individuel gaz.
  4. Viser un niveau de consommation énergétique ambitieux pour la construction. Dès 2020, l’ensemble des logements neufs construits devraient atteindre des performances de consommation compatibles avec l’objectif définit dans la SNBC de « 20 kWhef/m² en 2050 »[6]. Tenir cette condition nécessite de construire dès aujourd’hui des bâtiments en capacité d’évoluer naturellement vers ce niveau de performance à horizon 2050. Il s’agit de traiter les éléments irréversibles – tel que l’enveloppe thermique du bâtiment – et d’anticiper les évolutions futures des systèmes de production d’énergie – par exemple l’intégration de chaleur renouvelable. L’adaptation des bâtiments à l’évolution des conditions météorologiques est également nécessaire, avec notamment la prise en compte du confort d’été dès la conception.

Les 5 actions clés pour atteindre la neutralité carbone dans le logement

Les auteurs proposent un scénario pour atteindre la neutralité carbone dans le secteur résidentiel telle que définie par la SNBC. Leur stratégie consiste à décliner en cinq actions les objectifs à poursuivre en matière d’efficacité énergétique et de recours aux énergies décarbonées dans le parc de logements à l’horizon 2050 :

  1. Rénover 100% des logements existants, construits avant 2000, d’ici à 2050.
  2. Accélérer le rythme des rénovations performantes en multipliant par 5 le nombre de logements rénovés entre 2015 et 2035.
  3. Garantir un niveau de performance énergétique minimal en exigeant des niveaux d’isolation pour les rénovations de l’enveloppe des bâtiments a minima égaux à ceux définis par le CITE.
  4. Mettre en place des solutions énergétiques décarbonées pour faire évoluer 75% du parc de logements chauffés aux énergies fossiles vers des énergies décarbonées.
  5. Atteindre l’objectif de consommation prévu à horizon 2050 (20kWef/m²) pour tous les logements neufs construits à partir de 2020.

Les auteurs soulignent néanmoins que, si les niveaux de performance décrits ci-dessus sont « techniquement accessibles », les difficultés majeures résideront notamment dans la mobilisation de tous les acteurs (professionnels, occupants, acteurs publics, etc.) pour maintenir un rythme de rénovation soutenu jusqu’en 2050 mais aussi pour intégrer les réflexes de changements d’énergie.

Pour aller plus loin :

>> Découvrir l’étude "Neutralité et logements : à quelles conditions le secteur résidentiel peut-il atteindre la neutralité carbone ?" 

[1] Source : Ademe Territoire et Climat www.territoires-climat.ademe.fr
[2]Source : Ocean & Climate Platform www.ocean-climate.org
[3] Source : Commissariat général au développement durable (2019). EFESE – La séquestration de carbone par les écosystèmes en France. La Documentation Française (ed.). Collection Théma Analyse.
[4] Source : Projet de Stratégie Nationale Bas Carbonne, Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire, 2019.
[5] Source : Chiffres clés de l’énergie, Commissariat général au développement durable, 2019.
[6]  Le kilowatt-heure en énergie finale  (kWhef) désigne la consommation énergétique facturée au consommateur

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