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- L’aménagement et le foncier
(Ce texte est une contribution du Conseil national de l’Ordre des architecte à la mission du Sénateur Jean-Luc Lagleize sur "La maîtrise des coûts du foncier dans les opérations de construction", 2019)
Le Grand débat national a vivement mis en lumière les difficultés et les enjeux auxquels doit faire face notre modèle de développement territorial. Les architectes, qui ont massivement participé à ce débat, ont souligné la nécessité de faire du logement une priorité nationale, dans le cadre d'une politique d'aménagement soutenable et solidaire. Le foncier est un levier essentiel pour les politiques publiques, mais un levier insuffisamment utilisé.
Le prix du foncier peut atteindre plus de 50% du prix de production du logement dans les zones tendues. Il est donc devenu essentiel de trouver des solutions pour faire baisser cette charge excessive et retrouver des marges de manœuvre pour un logement plus qualitatif et réellement accessible à tous. Dans les zones moins tendues et en milieu rural, les stratégies foncières peuvent contribuer à stopper l'étalement urbain et la dévitalisation des centres villes et centres bourgs.
Les acteurs publics devraient utiliser le foncier public comme une ressource stratégique pour le développement de leur projet de territoire, et non comme un bien à vendre aux enchères sans recherche d'une réflexion globale. Pour le foncier privé, des règles urbaines qualitatives pourraient encadrer davantage son exploitation.
Des outils réglementaires existent déjà, de même que des bonnes pratiques qui sont à partager. Il appartient au législateur d'accompagner les acteurs locaux dans l'activation de ces politiques publiques du foncier. Les architectes, qui maillent l'ensemble du territoire, sont une profession-ressource à leur service pour atteindre ces objectifs.
Le foncier urbain est une ressource rare dont la valeur d'usage collective doit être optimisée. Pour en maîtriser la valeur, les collectivités locales doivent avoir une vision stratégique à long terme de leur territoire.
La définition du projet de développement de la ville s'exprime au travers des documents d'urbanisme. Le PLU (ou PLUI) devient alors un outil de négociation au service de l'intérêt général et support d'un dialogue avec les investisseurs publics et privés ainsi qu'avec les citoyens.
Aujourd'hui les communes souffrent d’une carence d’ingénierie territoriale pour définir et mettre en œuvre sur le plan opérationnel, la stratégie pour le territoire et les projets urbains de qualité qu'elle sous-tend.
Cette carence s'exprime, en particulier, par le manque de moyens tant humains que matériels. Il en résulte trop souvent dans la rédaction des documents d'urbanisme, l'absence d'une vision d’ensemble claire, partagée et transmissible aux opérateurs.
A l'heure où la loi Elan créée les GOU, il est impératif de donner aux élus locaux les moyens de définir et de contrôler la qualité de l'aménagement de leur ville.
AIDER LES INTERCOMMUNALITES DANS L’ELABORATION DE LEUR DOCUMENTS D'URBANISME : PLU, OAP …
1. Redonner au PLU, sa dimension stratégique
2. Mutualiser les ressources et l’ingénierie
3. Mieux associer les professionnels du cadre bâti aux décisions des élus
Un rapprochement entre les associations des maires et les concepteurs du cadre bâti - architectes/ urbanistes/ et paysagistes – permettrait d'accompagner les collectivités territoriales, souvent assaillies par les promoteurs privés et livrées à elles-mêmes, pour prendre des décisions qui engagent leur territoire pour plusieurs décennies.
La réflexion urbaine menée avec des professionnels permet en effet, dans un dialogue apaisé et respectueux des enjeux de chacun, d'établir une vision du territoire partenariale, participative et collective. Elle stimule une conception d'espaces publics de qualité, une réflexion globale sur la durabilité des aménagements et sur la mixité programmatique et fonctionnelle. Les professionnels de l'aménagement accompagnent également la collectivité.
A. MAITRISER LA SPECULATION
1. Inciter les collectivités locales et les maîtres d’ouvrages sociaux à engager une politique foncière et exiger un aménagement qualitatif de sites, s’ils ne souhaitent pas se voir imposer des projets.
2. Contrôler la spéculation foncière par la mise en place de dispositifs éprouvés :
3. Contrôler le foncier autour des infrastructures réalisées par l'Etat ou la collectivité publique
4. Veiller à l'application des outils législatifs existants notamment :
B. MINORER LE COÛT DU FONCIER
1. Minorer ou différer les coûts liés à l’achat du foncier de façon à relancer la construction de logements et faciliter leur vente ou leur location. A condition que ces économies sur le foncier ne renforcent pas la spéculation financière.
2. Favoriser les opérations en PSLA (prêt social location-accession)
3. Réduire les obligations en termes de stationnement "voitures"
C. LA PROPRIÉTÉ COMMUNALE, UN OUTIL DE DEVELOPPEMENT DE LA QUALITÉ URBAINE
1. Inciter les communes à mettre en place une politique foncière ambitieuse qui donnera des outils de contrôle de la qualité des constructions sur leur territoire.
A. REVITALISER LES CENTRES-BOURGS
1. Soutenir et étendre le dispositif « action cœur de ville » en veillant à ce qu’il garantisse des projets qualitatifs sur le long terme.
2. Systématiser le recours à des études urbaines et de faisabilité en amont des réalisations pour garantir leur de qualité.
3. Créer une charte ou un guide des bonnes pratiques dans l’acte de construire, qui pourrait être une garantie offerte par les aménageurs et les promoteurs et encouragée voire conditionnée par la puissance publique.
4. Encourager la construction en centre-ville et limiter la construction en périphérie
Afin de ramener de la valeur foncière en centre-ville, il convient de contenir les constructions dans les zones déjà urbanisées
5. Opérer des démolitions ciblées en centre-ville
Pour valoriser certains sites en centres-bourgs, il faut parfois démolir et dé-densifier pour créer les conditions d’une meilleure habitabilité : ensoleillement, aération/ ventilation, places de stationnement, balcons, terrasses.
L’exemple de la municipalité de Barcelone est, à ce niveau très riche d’enseignements.
C’est par le traitement de dents creuses, la démolition ciblée et l’aménagement d’espaces publics de qualité que l’image des quartiers très dégradés a été transformée.
Le foncier a une valeur négative à court terme mais positive à long terme. En mettant en œuvre des moyens de planification l’Etat peut aider les Collectivités à assumer ces transitions.
6. Transformer les zones industrielles obsolètes en quartiers d’habitation
Trois millions de m² seraient disponibles dans des zones aménagées mais plus exploitée. Pour réaliser cette transformation la Loi Elan propose d’importants dispositifs financiers. Cette excellente initiative se heurte à la réalité de « l’urbanisme de zonage » pratiqué depuis des décennies : absence de transport collectif, d’écoles, de crèches, de commerces
7. Permettre la « mutabilité de zone » au sein du PLU en créant des seuils cohérents
Pour faire évoluer une zone d’une densité individuelle vers une densité collective, il faut que le seuil de densité soit significatif (passer de R ou R+1 à R+4, par ex) pour permettre au promoteur d’intégrer les éléments de viabilité d’une opération (démolitions, déblais, commercialisations, reprises en sous-œuvre). On risque a défaut ne pas parvenir aux objectifs attendus.
B. FAIRE ÉMERGER LA COMPLEMENTARITÉ DES TERRITOIRES
1. Penser les territoires péri-urbains et ruraux en interaction avec les métropoles
Le lien entre les métropoles ou grandes aires urbaines et les territoires moins denses qui les entourent est fondé sur l’interdépendance et la complémentarité. S’il est incontestable que les métropoles « tirent » actuellement l’économie, il est tout aussi certain que les ressources des territoires périphériques (matières premières, biodiversité, agriculture, énergies renouvelables, diminution des risques, mais également main d’œuvre) leur sont essentielles. La redistribution à l’ensemble de ces territoires de la fiscalité perçue par les métropoles est un facteur fondamental de la cohésion et doit donc constituer un point de vigilance.
2. Favoriser l’implantation de logements et d’activités adaptés et concertés
Particulièrement dans les territoires ruraux ou péri-urbains, l’approche de l’urbanisme doit être contextuelle pour répondre aux aspirations et aux besoins des habitants ainsi qu’à la diversité des situations, au plus près des réalités du terrain : moyens de transport alternatifs à la voiture, patrimoine, environnement naturel, activités spécifiques (agricole ou artisanale), voire nouveaux emplois par le biais du télétravail… typologies d’habitat, densités,
3. Révéler et conforter les valeurs collectives présentes dans les centres bourgs
Au-delà de la richesse du patrimoine et des paysages, les centres urbains sont le lieu du dynamisme associatif, de la culture du vivre ensemble et des valeurs de solidarité. Ces facteurs, essentiels à réussite des projets, sont trop souvent ignorés. Dans les bourgs, le débat et l’échange sont souvent plus aisés à organiser. La co-construction de la stratégie de territoire, permet une implication plus forte de la population, favorise l’innovation et l’émergence de projets individuels originaux.
Cette échelle permet également de soutenir ou faire connaître des systèmes d’entraide, rendus possibles par la proximité du voisinage : aide aux devoirs, garderie de proximité, aide à domicile, conduite des enfants etc...)
4. Promouvoir la mutualisation et la solidarité intercommunale
La revitalisation des bourgs ruraux repose sur la mixité réussie des fonctions : les logements n’attirent de nouveaux habitants que s’ils offrent un accès facile aux commerces, à l’emploi et aux services ; inversement les commerces, emplois et services ne s’installeront que si la population locale leur assure une viabilité économique.
Le coût de cette mixité fonctionnelle ne peut être supporté par les seules opérations de constructions ou de réhabilitations. Pour être abordable, elle doit être réfléchie à une échelle qui permette sa mutualisation avec d’autres territoires.
L’intercommunalité peut être la réponse à la double condition qu’elle respecte un échange (par exemple l’école dans une commune, La Poste et quelques commerces dans une autre à quelques kilomètres) et que l’accès soit organisé pour tous ceux dont l’autonomie par la voiture particulière est réduite ou inexistante (navettes par bus, co-voiturage, etc…).
C. MOBILISER LES PROCEDURES ADAPTEES
1. Valoriser le Permis d’Aménager
Trop souvent assimilé à la construction de maisons individuelles, le permis d’aménager peut accueillir toutes les typologies de construction (collective, individuelle ou intermédiaire) et tous types de programmes (logements, commerces, équipements publics ou activités).
Outil très souple et simple à mettre en place, il permet d’intervenir ponctuellement sur des périmètres restreints (dents creuses en centre urbain) où la création d’une ZAC s’avère souvent lourde et politiquement risquée.
Dans le cadre d’un permis d’aménager, le Projet Urbain Partenarial (PUP) ou la Taxe d’aménagement Sectorisée apportent des solutions au financement des équipements publics.
2. Encourager les « opérations-greffes » au sein des bourgs et villages
Autoriser la mise en œuvre de « lotissements éclatés (multi site) » dont les lots ponctueraient le parcellaire communal et ne seraient pas adjacents les uns aux autres.
Ce « lotissement Dissocié Intra-Muros » pourrait permettre des combinaisons de fonctions : habitat (de personnes âgées valides ou non, petite colocation pour des jeunes en début d’activité, des familles monoparentales,) mais aussi commerces, services, services sociaux et culturels, artisanat, etc.
Il intégrerait un plan masse/programme ainsi qu’une projection de principe des masses bâties et des trames viaires, des trames vertes et bleues à mettre en place. Il démontrerait sa combinaison avec le bâti existant et justifierait la destination de l’usage de ces lots par une étude des besoins.
Il s’appuierait sur une étude préalable de l’état du bâti existant, de la vacance et des potentialités d’évolution en recensant les poches non bâties de centre-ville. Il intégrerait des propositions étayées de déconstruction partielle pour valoriser le foncier bâti existant.
Conseil national de l'Ordre des architectes
ARCHITECTE ou société d’architecture
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